L’Amour est une fête de Cédric Anger fait preuve d’une étrange nostalgie pour la nuit des années Giscard-Mitterrand, celle du porno débutant.
Alors la voilà, la petite comédie soixante-huitarde de l’année de ce cinquantenaire de mai. Cédric Anger ( L’Avocat, La Prochaine fois je viserai le cœur ) n’était même pas né en 1968, mais lui, enfant des années 70, se souvient d’un temps où l’esprit de mai occupait les têtes et les corps.
Le sida n’avait pas fauché l’insouciance des slogans de mai, il était encore temps de jouir sans entraves. La loi X allait bientôt renvoyer le porno à l’arrière-cour du cinéma grand public et la vidéo ébranler le milieu, mais en attendant, c’était liberté, fêtes et plaisirs en 1982.
Dans la France de Mitterrand, à Pigalle, Anger tient la chronique généreuse, sexy et divertissante d’un porno euphorisant, traversé par des personnages sympathiques hauts en couleur. Au prétexte d’un vrai faux polar où un duo de flics, Guillaume Canet, taiseux dépressif, et Gilles Lellouche, jouisseur décontracté, infiltrent le milieu du porno parisien et ouvrent un club de strip-tease. Les filles sont jolies, elles sourient, elles se déshabillent sous les néons artificiels, heureuses d’être là, frivoles et désinvoltes. Xavier Beauvois plein de dérision tourne d’improbables nanars X, Michel Fau matois et cocasse fait souffler sur ce monde de la nuit et du sexe sa folie extravertie.
Anger rembobine sur les coulisses de ce porno cool des années 80, qui se faisait le plus naturellement du monde. Ce n’est ni sordide, ni glauque, c’est la célébration joyeuse, légère et fantasmatique de la liberté sexuelle. On échappe à l’arrière-plan sociologique, à la documentation fine des mœurs du porno, aux archétypes, pour regarder avec bonheur cette comédie hédoniste faite d’un feuilleté de genres – même une love story y glisse du sentiment. Ce porno pop dans son plus simple appareil célèbre une jouissance perdue et retrouvée. La fête de l’amour n’est pas finie.