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Des termes d’origine grecque au langage issu d’Internet, un échantillon du vocabulaire de la pornographie, pour mieux comprendre le X.
L’univers du porno est complexe et son vocable, qu’il trouve son origine dans le langage issu d’Internet ou dans le grec, est varié. Voici un glossaire pour mieux comprendre le X.
#Pornographie
Du grec ancien pornê (« prostituée », dérivé de pernênai, »vendre ») et graphein (« écrire », « peindre »). Selon le « Dictionnaire historique de la langue française », d’Alain Rey, le « pornographe » est d’abord celui qui réalise une étude sur la prostitution – Restif de La Bretonne est lepremier auteur connu à utiliser le mot, en 1769.
C’est en 1832 que « pornographique » prend le sens que lui donnent aujourd’hui encore les dictionnaires : ce qui montre des choses « obscènes », c’est-à-dire qui « blessent » « la pudeur » ou « la délicatesse » par des représentations « grossières » de la sexualité (ni « Le Petit Larousse » ni « Le Petit Robert » n’évoque l’excitation, le désir ou le plaisir, que tous deux réservent au domaine de l’érotisme*).
Abrégé en « porno » dès 1893, l’adjectif est notamment utilisé pour qualifier les premiers films du genre, qui ont suivi de près la naissance du cinéma. « Porno » est attesté comme substantif à partir des années 1960.
#Erotisme
Est érotique, pour « Le Petit Larousse », ce qui « suscite le désir sexuel ». « Le Petit Robert » précise : en tant que celui-ci est « distinct de la procréation ». La sexualité dont il est ici question est donc d’emblée « perverse » au sens où l’entendait Georges Bataille : détournée de sa fonction génitale. Comment distinguer l’érotisme de la pornographie ? Si la seconde est une peinture crue qui ne laisse rien ignorer, le premier suggère davantage, et fait appel à l’imagination.
Jean-Jacques Pauvert, auteur d’une monumentale « Anthologie historique des lectures érotiques », disait qu’il lui « avait toujours été impossible d’entrevoir où pouvait bien passer la frontière, si nette pour bien d’autres, qui séparerait les livres convenables de ceux qui se voient qualifier, suivant l’humeur, d’érotiques, pornographiques, légers, grivois, cochons, libertins, polissons, obscènes, licencieux et j’en passe ».
#X (classement)
En 1975, le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing décide de s’attaquer au porno, alors en pleine expansion (« Exhibition », présenté comme le « premier hardcore* français », va atteindre 3,5 millions d’entrées). Un décret puis une loi instaurent un régime spécifique pour les « films pornographiques ou d’incitation à la violence », sans en fournir aucune définition. Interdits aux mineurs, lourdement taxés, ces films ne pourront en outre être diffusés que dans des cinémas spécialisés. Une commissiondu ministère de la Culture est chargée d’attribuer le classement X. Dans les faits, celui-ci ne visera que le porno.
#Enfer
Partie d’une bibliothèque, non accessible au public, où étaient conservés les ouvrages considérés comme licencieux ou contraires aux bonnes mœurs. En France, l’Enfer de la Bibliothèque nationale, créé en 1836, comptait plusieurs centaines de documents, dont Apollinaire dressa le catalogue en 1913. Il n’a plus accueilli de nouveau livre depuis 1972.
#Hardcore, Softcore
Dans le porno hardcore, les rapports sexuels ne sont ni simulés ni masqués, contrairement au porno soft ou softcore (qu’on pourrait rapprocher de la catégorie des films érotiques*). Le hardcore constitue la grande majorité des productions aujourd’hui disponibles sur Internet.
#Porno chic
En 1972, l’Amérique découvre « Deep Throat » (« Gorge profonde »). Le film, de meilleure qualité que ce qui fait l’ordinaire des sex-shops de l’époque, rencontre un tel succès, jusque dans la bonne société, que le « New York Times » doit bientôt l’admettre : le porno est devenu « fashionable », et même « chic ».
L’expression « porno chic » refait surface trente ans plus tard de ce côté de l’Atlantique, dans un contexte différent. C’est alors le chic qui se fait porno. Les marques de luxe, qui ont bien compris le potentiel marketing de l’esthétique X, l’intègrent abondamment à leurs publicités, au grand dam de plusieurs associations féministes.
#Post-porno
En 1990, l’actrice X américaine Annie Sprinkle organise une performance inédite : les visiteurs de « Public Cervix Announcement » sont invités à observer son vagin, au moyen d’un spéculum et d’une lampe de poche. Le post-porno est né. Sous l’influence des théories féministes et queer, ce mouvement artistique entend remettre en question les cadres rigides de la pornographie dominante :cloisonnement acteur/spectateur, séparation du public et du privé, profils et normes sexistes… Un documentaire de Virginie Despentes lui estconsacré (« Mutantes », 2009).
#Porn studies
Apparues aux Etats-Unis dans les années 1990, les porn studies étudient l’origine des représentations véhiculées par le porno et leur impact sur la société. Stéréotypes racistes, fantasmes ou encore rapports de genres sont analysés dans une perspective interdisciplinaire réunissant sociologues, psychologues, spécialistes du cinéma mais aussi linguistes. Ce domaine de recherches se développe depuis quelques années dans les universités françaises.
#Foodporn
C’est devenu un lieu commun avec la prolifération des smartphones : photographier ce que l’on mange et le publier sur les réseaux sociaux. Par la manière dont il érotise la nourriture et cherche à susciter l’envie, sinon le désir, par l’image, le foodporn reprend certains codes du porno sur Internet. À noter qu’on trouve aussi du shoeporn en ligne pour les dingues de chaussures, du furnitureporn pour les passionnés de décoration… et même de l’organizationporn, pour les fanatiques du rangement et de la mise en rayons.
#Tubes
Créés dans le sillage de YouTube, les sites comme YouPorn et Pornhub proposent des millions de vidéos à regarder gratuitement, mises en ligne par des amateurs ou des professionnels et indexées par mots-clés (tags*). Leur apparition au milieu des années 2000 a considérablement élargi l’accès au porno, en même temps qu’elle bouleversait le modèle économique du secteur. Ces sites ont également contribué à redéfinir le standard de la vidéo X : sur les tubes, les films plus ou moins scénarisés ont laissé place à des scènes brutes de quelques minutes, dites « gonzo », que le spectateur peut enchaîner ad libitum.
#Camgirls
De « (web)cam » et « girl ». C’est un phénomène emblématique du porno sur Internet : des femmes – mais aussi des hommes et des couples – s’exhibent en direct devant leur webcam pour un public d’internautes. Le spectateur communique par chat, et paie s’il veut satisfaire un désir particulier : strip-tease, jeu de rôles, usage de sextoy… Certaines camgirls travaillant en indépendantes parviennent à vivre correctement de leur activité, au prix de fortes commissions versées aux sites servant d’intermédiaire. Mais beaucoup d’autres, notamment en Europe de l’Est, enchaînent les sessions dans des « usines à cams » pour une rétribution minimale.
#Tags
Ce sont les mots-clés grâce auxquels sont classées les vidéos sur les tubes*. « Blonde », « brunette », « blowjob » (fellation), « interracial », « threesome » (trio), etc. : ces « pornotypes », ainsi que les ont appelés des linguistes, dessinent un catalogue des pratiques, situations et profils qu’affectionnent les visiteurs. Certains, comme « milf » (Mother I’d Like to Fuck), sont passés dans le langage courant. Le site datalooksdope.com en a répertorié cinq cents, qu’il a classés selon leur popularité, de « hardcore » à « chatte poilue ».
#Sexto
De « sex » et « texto ». Message ou photo intime transmis par téléphone, parfois par e-mail, souvent entre deux partenaires. Les photos ainsi échangées fournissent parfois la matière à du revenge porn*.
#Sextape
Vidéo amateure tournée en couple, à l’usage de celui-ci.Comme un sexto*, une sextape peut être détournée de manière malveillante. Il est aussi arrivé que des célébrités de la télé-réalité ou du spectacle voient leur carrière relancée par la diffusion (plus ou moins) involontaire de ces images.
#Revenge porn
Fait de diffuser en ligne une photo ou une vidéo à caractère sexuel, souvent obtenue dans un cadre intime, sans le consentement de la personne concernée voire en l’accompagnant de détails permettant d’identifier celle-ci (nom complet, adresse, profil sur les réseaux sociaux, etc.). Pratiqué notamment après une séparation, le revenge porn vise dans la plupart des cas des femmes, et déclenche fréquemment une vague de harcèlement qui peut mener les victimes au suicide. Depuis 2016, il est passible en France de deux ans de prison et de 60.000 euros d’amende.