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Bérénice a regardé son premier porno à l’adolescence. Depuis, ces vidéos sont pour elle un levier d’excitation et une source de fantasmes. « Anti-féministe », « dégradant »: les critiques sont nombreuses. Un rejet que Bérénice peine à comprendre. Témoignage sur un goût encore tabou.
Le premier film porno que j’ai regardé, je l’ai trouvé dans la chambre de mon grand frère. J’avais 13 ans, je découvrais mon corps. Les images m’ont tout de suite fait beaucoup d’effet. Quand il n’y avait personne à la maison, il m’arrivait de visionner une cassette vidéo. Je regardais aussi des films quand mes parents étaient là. Je m’enfermais alors dans ma chambre, un doigt sur la télécommande. Le côté interdit m’excitait encore plus.
« Les films pornos ont accompagné ma découverte de la sexualité »
On dit souvent que les adolescents s’éduquent sexuellement uniquement derrière un écran et ont ensuite des attentes irréalistes au lit. De mon côté, j’ai eu mon premier rapport à 17 ans en ayant parfaitement conscience que le porno n’avait rien à voir avec la vraie vie. Mon copain était quelqu’un de très doux. De mon côté, je ne cherchais pas à reproduire avec lui ce que j’avais vu. Avoir visionné des films porno me donnait simplement un peu plus confiance en moi. Je me sentais moins perdue face à l’inconnu.
Les films porno ont accompagné ma découverte de la sexualité. Ils m’ont aidée à assumer mes goûts, mes envies. A 18 ans, j’ai voulu tester le sexe avec une fille. Je cherchais sur Internet des vidéos lesbiennes pour comprendre comment cela se passait, pour mettre des images sur mon fantasme. Quelques années plus tard, c’est la sexualité à plusieurs -trois ou quatre personnes- qui m’a attirée. De la même manière, j’ai regardé des vidéos puis je me suis jetée à l’eau.
« Ce que je regarde, c’est tout ce que je ne ferais pas »
Aujourd’hui, je ressens moins le besoin de tester mes limites. Ce que je regarde, c’est tout ce que je ne ferais pas. Les images me permettent de m’évader quand je me masturbe, de plonger dans mes fantasmes -au caractère plutôt violent, comme des simulations de viol ou de gang-bang.
Je pense que ce goût me vient paradoxalement de mon fort caractère. Dans la vie, je m’affirme par rapport aux hommes. Peut-être que les scènes de soumission me permettent de mettre de la distance avec ma vraie personnalité pour m’offrir une vision de moi qui -pour une fois- se laisse faire. Le porno est une balade dans mon imaginaire sexuel.
Je trouve réducteur de circonscrire la sexualité des femmes à ce qui serait « moralement acceptable » pour elles. La femme que l’on « respecte » serait celle qui ne va pas trop loin. De mon côté, je ne me sens pas diminuée par ce que je vois.
« Je n’aime pas les ‘scènes normales' »
J’ai regardé un seul porno dit « féminin », où les scénarios seraient soit-disant plus réalistes et surtout plus « respectueux » des femmes. Je n’ai pas forcément envie de réitérer cette expérience. Les dialogues à rallonge, les préambules, tout cet amuse-bouche conçu pour faire monter l’excitation ne fonctionnent pas pour moi. Je n’aime pas les « scènes normales ». Cela me donne presque l’impression de regarder mes voisins faire l’amour!
Au fond, pourquoi les femmes devraient-elles être naturellement attirées par des images pleines de tendresse et de bons sentiments? Pour moi, sexualité féminine et histoires à l’eau de rose ne vont pas forcément de pair. Devant un porno, je me fiche des dialogues et de la mise en scène. Ils ont d’ailleurs souvent des airs de série B. Si j’ai envie d’une scène détaillée, de drague ou bien de tension sexuelle, je lis un livre ou je regarde un film érotique.
« J’aime regarder un film porno pour me détendre »
J’ai rencontré mon conjoint lors d’une soirée il y a un an et demi. Je lui ai rapidement parlé de mon attrait pour le porno. Je ne suis pas entrée plus que ça dans les détails. Cela m’appartient. Il le comprend. Il m’a dit que nos ébats lui suffisaient pour me connaître. Je sais qu’il regarde aussi des films X quand je ne suis pas là. Cela ne me dérange pas. En revanche, nous n’en visionnons jamais ensemble. Disons que les écrans nous sont utiles quand nous sommes seuls.
Ma consommation de porno est très variable: je peux me masturber en regardant un film trois fois par semaine. Parfois, c’est beaucoup moins, plutôt trois fois par mois. Cela ne dépend pas nécessairement de la santé sexuelle de mon couple, plutôt de mon état d’esprit.
J’aime regarder un film porno pour me détendre. Je travaille de chez moi, et si je ressens le besoin de faire une pause, plutôt que de marcher ou prendre un café, moi je me masturbe, c’est un moment où je peux m’abandonner quelques minutes. Je peux aussi regarder un porno parce que justement, la veille nous avons fait l’amour avec mon conjoint et que c’était super. Cela ne signifie pas que je ne suis pas rassasiée, c’est plutôt une façon de retrouver ces agréables sensations.
« Le porno est un support comme un autre pour s’exciter »
J’en ai déjà parlé brièvement à quelques amies qui avaient surpris leur compagnon en train de regarder un film X et pour qui cela constituait un problème. Elles considéraient que c’était la preuve d’une frustration dans leur couple. Je ne suis pas d’accord, j’estime qu’il s’agit simplement d’un terrain de jeu.
Selon certaines, j’ai une « sexualité d’homme ». Cette remarque à tendance à m’énerver. Chacun fait bien ce qu’il veut. J’aimerais qu’on laisse mon imaginaire tranquille: il dit ce qu’il veut et je le nourris comme je veux. Le porno est un support comme un autre pour s’exciter, entretenir ses désirs, s’inspirer ou même se réconforter. Il y en a pour tous les goûts, et moi je continuerais d’assumer les miens.